Dans un récent communiqué, le groupe Kärcher a signalé son ras-le-bol des récupérations politiques subies en France depuis…2005. Souvent citée dans un contexte polémique, la marque n’est pas friande de cette publicité gratuite. Pourtant, c’est aussi un bon coup de pub !
« Ressortir le Kärcher » : ou la citation de trop pour la marque allemande.
Des récupérations politiques qui durent depuis 2005.
Le groupe Kärcher est basé en Allemagne. existe depuis 1935, la marque est spécialiste des outils de nettoyage à haute pression depuis les années 1980. Son intervention dans le débat politique français se fait pour la première fois en 2005, lorsque Nicolas Sarkozy, alors candidat à la présidentielle, exulte qu’il faut nettoyer les cités au Kärcher. En comparant la population des quartiers populaires à de la saleté qu’il faudrait déloger, Sarkozy créé immédiatement le scandale. Kärcher réagit rapidement en s’émouvant de cette comparaison malheureuse, éloignée des valeurs du groupe.
Depuis, l’expression « nettoyer au Kärcher » dans un contexte politique est réapparue en 2010, avec la Secrétaire d’État à la Ville Fadila Amara. Et plus récemment, en 2022, la candidate à l’élection présidentielle Valérie Pecresse a réitéré cet « hommage » à cette phrase de Sarkozy dans le même contexte.
Kärcher, sali par les politiciens ?
Le groupe Kärcher estime souffrir de cette association politique non désirée. Selon un communiqué de presse en date du 11 janvier 2022 : « Kärcher demande aux personnalités politiques et aux médias de cesser immédiatement toute utilisation de son nom dans la sphère politique. Cela nuit à la marque et aux valeurs de l’entreprise ». Pour appuyer son propos, la division française du groupe avance que ces récupérations politiques sont « nuisibles car elles associent les produits Kärcher à la violence et à l’insécurité ». Une exception à la règle bien connue en marketing qui dit que toute publicité, bonne ou mauvaise, est bonne à prendre !
Et si Kärcher courrait un risque de dégénérescence de marque ?
En plus d’une dégradation de son image, la marque Kärcher pourrait bien voir son nom devenir un mot du langage courant. Avant même cette récupération politique, le leader allemand des nettoyeurs haute-pression voyait son nom utilisé pour désigner directement l’objet. Avec ces usages répétés dans la sphère politique française, la popularité du nom a augmenté. Ce principe est appelé « antonomase », et nous en parlons davantage dans cet article du blog Énékia. Il n’est donc pas impossible que le nom Kärcher entre définitivement dans le langage courant et subisse une dégénérescence de marque :
« Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue de son fait :
La désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service.
Deux conditions cumulatives doivent être remplies pour que la déchéance soit prononcée par le juge :– La marque doit être devenue la désignation usuelle du produit qu’elle vise.
– Elle doit l’être « de son fait ». La plupart du temps, une marque devient usuelle par l’utilisation qu’en fait le public, et non du fait du titulaire. C’est donc la passivité du titulaire qui doit pouvoir être mise en cause, en d’autres termes si ce dernier n’a rien fait pour empêcher sa marque d’être frappée de dégénérescence. »
Cette qualification juridique entraîne la dépossession de son nom par l’entreprise. C’est peut-être un risque encouru par le groupe allemand, et également la raison pour laquelle il multiplie les communiqués dépréciant les récupérations politiques subies…
Flanby, Rolex : d’autres utilisations de noms de marques dans un contexte politique.
Kärcher n’est pas la seule marque qui s’est vue propulsée sur le devant de la scène politique le temps d’un débat ! Les desserts Flanby et les montres de luxe Rolex peuvent en témoigner.
Une montre Rolex comme symbole de réussite sociale.
En 2009, le publicitaire Jacques Séguéla, proche de Nicolas Sarkozy, est l’auteur de cette phrase devenue célèbre : « Tout le monde a une Rolex. Si à 50 ans on n’a pas une Rolex, c’est qu’on a quand même raté sa vie ». Cette sortie un poil provocante est une réponse à l’émoi des médias alors que Sarkozy s’affiche avec une montre de luxe au poignet. Cette affirmation de Séguéla est longtemps restée dans les mémoires, comme symbole de la déconnexion de certains hommes de pouvoir avec les citoyens lambda. Comme on pouvait s’y attendre, la marque Rolex n’a pas été ébranlée par cette citation, d’autant qu’elle n’était en aucun cas dénigrante. Notons tout de même qu’elle n’a jamais remercié le publicitaire pour son buzz gratuit. En effet, Jacques Séguéla n’a lui-même « réussi sa vie » qu’à ses 80 ans, quand sa femme lui a enfin offert une montre Rolex.
Pour Flanby : une campagne publicitaire à moindre coût.
Les desserts Flanby doivent une fière chandelle à Arnaud Montebourg ! Et oui, c’est lui qui avait trouvé ce surnom particulièrement imagé au président François Hollande en 2012. Destiné à lui nuire plutôt qu’à le valoriser, le choix de Flanby pour Hollande faisait référence à son supposé caractère mou et indécis. Le nom de marque Flanby est d’ailleurs la contraction de « flan » et « flabby », mot qui signifique « flasque ». L’entreprise Flanby n’a pas exprimé son désarroi quant à ces récupérations politiques de son nom de marque, estimant que son image n’avait pas été dégradée. De plus, comme l’a dit Catherine Petillon, à l’époque directrice marketing de Flanby dans StreetPress :
« Ce qui est bénéfique pour nous, c’est que les gens entendent ou lisent très souvent le nom de notre marque. Avec un peu de chance, ils gardent ensuite le nom de la marque à l’esprit… »
Comme quoi, choisir un nom de marque n’est pas chose à prendre à la légère ! Un bon positionnement pourra vous permettre d’être assimilé facilement par votre cible…qui vous citera spontanément lors d’un débat enflammé !